I got a pocket, a pocket full of sunshine [Arthur HIPKINS]

Finalement, ça n’était peut-être pas une bonne idée. Les lèvres pincées, Rei considéra le désastre vestimentaire qu’elle avait devant elle avec un désarroi grandissant. Takeda-san, la cliente qu’elle tentait tant bien que mal de conseiller pour la saison à venir, avait pioché quelques hauts à essayer… et autant dire qu’elle n’avait absolument aucun goût. Oh les pièces choisies n’étaient pas moches, loin de là. Mais Takeda-san, qu’elle avait appris à connaître depuis qu’elle travaillait dans le magasin, tendait souvent à porter son choix sur des choses qui ne lui allaient décidément pas.
Un coup d’œil à sa montre lui apprit qu’elle en aurait sûrement encore pour un certain temps, et un soupir manqua de lui échapper. Elle aurait volontiers fait un tour en ville avant de se rendre à Inakawa, mais elle avait désormais plus urgent à régler que sa pénurie de vernis.

Libérée de la jeune femme une bonne demi-heure plus tard, Rei put souffler un peu dans la salle réservée aux employées. S’occuper de Takeda-san était toujours très éprouvant, d’autant que professionnalisme oblige, elle ne pouvait pas se permettre de se montrer irrespectueuse. Mais ses efforts finissaient toujours récompensés et la laissaient avec le sentiment d’un travail bien accompli. Après s’être posée un instant pour boire un peu d’eau, Rei attrapa son sac dans le casier qui lui était réservé afin de se changer. Son maillot y était, ainsi qu’une serviette de bain et un tube de crème solaire, entre autre chose. Au cours de la semaine, la météo n’avait cessé d’annoncer un week-end chaud et ensoleillé, c’est pourquoi Arthur et elle avaient convenu de passer l’après-midi à la plage. Penser au jeune homme lui tira un sourire affectueux et la rendit quelque peu impatiente.
Profitant qu’elle était seule dans la pièce, la demoiselle se dévêtit pour enfiler les deux pièces de son maillot, un bikini d’un vert acidulé, tandis qu’elle chantait à mi-voix un morceau qu’elle avait écouté récemment. Trop occupée ensuite à renfiler ses habits, Rei ne s’aperçut pas immédiatement que Mayu, une autre vendeuse du magasin, venait d’entrer dans la salle.

« Tu es bien joyeuse toi dis donc cet après-midi, » lui lança-t-elle. « Un rencard en vue ? »
« Je vais juste à la plage avec Arthur, » répondit Rei d’une voix étouffée tandis qu’elle finissait d’enfiler son débardeur par-dessus le haut de son bikini.
« Arthur hein ? » Le ton suggestif de sa collègue ne laissait aucun doute quant à ce qu’elle sous-entendait. « Le fameux Arthur dont tu parles très souvent ? » Rei eut un petit rire teinté d'une pointe d'exaspération en la voyant gigoter ses sourcils de manière exagérée.
« Arrête de t’imaginer des trucs Mayu, on est seulement amis. » Puis un regard appuyé de la jeune femme la fit concéder : « De très très bons amis, d’accord. »
« Mouais. Je reste quand même un peu sceptique. »
« Va plutôt bosser et laisse-moi finir de me préparer, » se contenta-t-elle de répliquer en la poussant hors de la pièce. C’était tout à fait le genre de Mayu de se mêler de ce qui ne la regardait pas. Plutôt que de traîner plus longtemps au risque de voir Miss sans gêne débarquer de nouveau, la jeune femme arrangea ses cheveux en un vague chignon, enfila ses lunettes de soleil et s’empressa de quitter le magasin sans plus attendre.

Il lui fallut un certain temps pour atteindre Inakawa, mais lorsqu’elle arriva sur la plage aux alentours de seize heures, de nombreuses personnes y étaient déjà à se baigner. Peu étonnant quand on considérait le ciel bleu et la chaleur auxquels ils avaient droit. Sans parler du fait qu’on était un samedi.
Les chaussures à la main, Rei choisit un coin de sable encore libre face à la mer, avant d’y déposer sa serviette et de s’y allonger sans prendre la peine d’enlever ses vêtements. Elle attendrait Arthur pour ça. Elle inspira doucement l'air de la mer, puis ses lèvres s’entrouvrirent pour laisser échapper un soupir d’aise. Ils auraient une belle fin d’après-midi en perspective.

Journée quotidienne, banale si je puis dire. Travaux en tant que bibliothécaire, accompagné d'une bibliothécaire pour épauler en cas de soucis. Une journée de travail qui n'avait rien de bien différent des autres. Hormis un détail changeant, un rendez-vous l'attendait au bord de la plage. Bien évidemment, la personne qui fut désignée pour le rendez-vous fut sa première et véritable amie. Une personne qui mérite d'être dans sa vie. Une personne avec un cœur énorme, plus gros que le diamètre du soleil. Plus éclatant que la lumière de la lune. Plus chaleureux que la chaleur du feu. Une personne grandiose, taquine et passionné de musique. Cette personne n'est autre qu'une fille, qui était souvent dans les sujets de discussion du brun envers la bibliothécaire. D'ailleurs, celle-ci ne tenait plus en place et abattait sans plus tarder, le sujet du rendez-vous.

Alors, c'est le jour J, aujourd'hui ? dit-elle, souriante comme jamais.
Oui, le jour J. répond-t-il, calmement

Nul doute que le sourire taquin qui séjournait tranquillement sur les lèvres de la bibliothécaire, voulait signifier quelque chose. Mais, l'employé ne cherchait pas à le savoir, il avait bien plus important que ça. Ce dernier allait dans les vestiaires pour se changer, quittant son travail plus tôt que prévu. Il enfila son maillot de bain ainsi qu'une chemise blanchâtre, d'un style hawaïen. Une paire de sandale aux pieds. Enfin prêt pour partir, ce qu'il ne tarda pas à faire sans attendre une minute.
Petite balade en ville, plus précisément dans la galerie marchande. Un joli petit lieu qui le captivait et retenait son attention, notamment la bijouterie qui fut plus qu'enjôleur. Des bijoux, des diamants, des colliers en argent, des alliances, des boucles d'oreilles. Il y avait tout. Arthur entrait dans ladite bijouterie afin d'en voir un peu plus. Finalement, il en sortait avec un petit présent pour la personne qui l'attendait à la plage, l'heure. Diantre, déjà 15h30. Retard, retard, quand tu nous tiens le bout des doigts.
Et puis, autant en profiter pour chercher des boissons fraîches et de la nourriture. Le jeune homme alla donc dans un super-marché pour chercher les choses adéquates. Chose faite, il sortait de ce magnifique lieu pour enfin aller vers la plage. En retard de quelques minutes. La petite Reimi pouvait très bien la pardonner, ce qu'elle faisait souvent quand il présentait des excuses sincères.

L'arrivée à la plage fut plus tôt que prévu, il faut dire que le brun avait passé la moitié du chemin à courir et l'autre moitié à faire une marche tranquille et paisible. Les verdâtres pupilles observaient les environs, à la recherche d'une rosâtre chevelure. Une seule se démarquait parmi les autres personnes. C'était bien elle, un corps digne d'une Déesse, une chevelure plus qu'attirant et... Deux jeunes hommes qui semblaient lui faire des avances. C'est le monde à l'envers. Ils se trompaient de personne. Reimi n'est pas pour eux, surtout pas pour des personnes de cette espèce.
Alors, l'étudiant qu'il était débuta une marche en direction de la rose, une fois derrière elle, ses pupilles observaient le visage des deux jeunes hommes. À regarder de plus près, ils étaient plutôt hideux, sans aucune classe ni charisme.

Navré. Mais la demoiselle est déjà prise. Son cœur m'appartient. dit-il, posant une bouteille d'eau fraîche sur la jour de la demoiselle.

Puis, les deux jeunes hommes partaient, sans demander justification ou imposer leur mécontentement. Arthur posait ensuite ses fesses sur la serviette de sa compagne, abordant un sourire plus vivant que jamais.

Je m'excuse pour le retard, je ne regardais pas l'heure. l'informe-t-il. Voici, comme consolation. reprit-il, positionnant le paquet emballé qui cachait le collier en argent, vers la demoiselle

La chaleur, le bruit des vagues, l’odeur de la mer… Le cadre était sans doute trop idyllique, à n’en pas douter. Il fallait toujours que quelque chose – ou quelqu’un en l’occurrence – vienne gâcher le moment. Rei ne les entendit pas immédiatement, leurs pas étouffés par le sable et les sons environnants, mais elle les vit bien assez tôt. Ils étaient penchés au dessus d’elle, un petit sourire aux lèvres, leur silhouette faisant écran au soleil. Deux types comme on en croisait souvent, en centre ville ou ailleurs, cherchant un peu de bon temps. Ils devaient avoir la vingtaine, vingt-cinq ans tout au plus, et possédaient un physique particulièrement banal.

« Hey beauté ! »
La jeune femme se redressa sur sa serviette et baissa légèrement ses lunettes de soleil pour mieux les regarder.
« Désolée les gars mais j’attends quelqu’un et ce n’est certainement pas vous. » Répondit-elle d’un ton qui n’admettait aucune contradiction. Pourtant, loin de se démonter, le plus grand des deux insista.
« Oh allez, un peu de compagnie en attendant, tu te sentiras moins seule ! »

Oh pour l’amour du ciel ! Ce n’était pas bien compliqué à comprendre, un refus, non ? Agacée, Rei leur jeta un regard glacial qui en aurait refroidit plus d’un en temps normal. Malheureusement, quand il s’agissait d’individus de leur genre, lourds et très peu subtiles, ça ne marchait qu’une fois sur deux. Trop occupée qu’elle était à leur faire comprendre clairement qu’elle n’était pas intéressée (s’ils cherchaient simplement une paire de jambes où se réfugier, ils avaient tout intérêt à aller voir ailleurs), la demoiselle eut un petit sursaut lorsqu’une bouteille d’eau fraîche vint se poser contre sa joue. Un coup d’œil à la personne qui tenait la boisson suffit néanmoins à la rassurer et lui tira un sourire radieux.

« Navré. Mais la demoiselle est déjà prise. Son cœur m'appartient. »

La situation l’aurait sans doute exaspérée si elle n’avait pas été aussi contente de voir Arthur. C’est fou comme ils n’avaient subitement plus rien à dire dès qu’un autre mâle faisait son apparition. Elle n’avait pas princesse en détresse tatoué sur le front, elle avait une panthère rugissante sur le ventre tout de même. Mais elle connaissait le jeune homme et nul doute qu’il avait seulement voulu l’aider. Elle ne pouvait qu’apprécier son intervention, d’autant qu’il la soulageait de deux non désirables. Encore heureux qu’elle n’ait pas été en maillot de bain…

« Arthur ! » Enjouée, Rei embrassa le jeune homme sur la joue lorsqu’il fut enfin assis à ses côtés. « J’ai bien cru qu’ils n’allaient pas me lâcher ces deux-là. »

Il avait un sourire toujours aussi ravissant, nota l’étudiante, ses yeux bleus se fixant le temps d’un instant sur la bouche de son compagnon. C’est ce qui la faisait souvent craquer, qu’ils discutent simplement ou qu’ils se chamaillent, elle n’y résistait jamais bien longtemps. Ca, l’éclat de son regard lorsqu’il était posé sur elle, la bonne humeur qu’il lui prodiguait… Elle aurait sans doute pu citer d’autres détails qu’elle adorait chez Arthur, mais à trop y penser elle aurait fini par rougir, chose qui n’aurait pas manqué de l’interloquer. En tant qu’amis, Rei essayait fréquemment de se convaincre que garder une certaine distance physique entre eux était pour le mieux, afin d’éviter cette ambiguïté qui régnait souvent. Peine perdue il semblait.

Lorsque le jeune homme lui présenta un petit paquet en guise de consolation pour son retard – chose qu’elle n’avait pas remarqué avec les deux types qui l’avaient abordée – Rei ne s’y attendait pas. Dieu qu’il la gâtait beaucoup trop parfois, même si elle aimait ça. Elle le remercia, surprise, et comme la curiosité la titillait, la demoiselle n’attendit pas plus longtemps pour ouvrir son cadeau. Le collier en argent qu’elle découvrit la laissa bouche-bée.

« Il est ravissant, » souffla-t-elle, figée devant le bijou. Puis elle tourna de nouveau son attention sur Arthur, une expression ravie mais toujours effarée sur le visage. « Tu ne devrais pas m’offrir des choses aussi magnifiques, Arthur, vraiment. »

Quelque peu gênée, elle passa une main sur son visage pour repousser plusieurs mèches qui étaient venues lui chatouiller le visage. Elle ôta ses lunettes de soleil, silencieuse, puis glissa un sourire timide au garçon, expression qu’elle arborait rarement d’ordinaire. Elle lui demanda ensuite : « Tu me le mets ? » Elle l’enlèverait quand ils iraient se baigner, mais elle tenait à l’essayer.

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